L'image de synthèse en Grande Bretagne par John Aston, BBC, 1986

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Panorama de l’infographie en Europe

L'image de synthèse en Grande Bretagne

Par John Aston, Graphic Design Manager, BBC Décembre 1986


Plaider la cause de l’image de synthèse en Grande- Bretagne, c’est enfoncer des portes ouvertes. Au cours des quatre dernières années, l’image de synthèse et les palettes vidéographiques se sont développées et diversifiées à un rythme étonnant. De nouvelles entreprises sont nées et se sont multipliées du jour au lendemain. Matériel et logiciel sont devenus de plus en plus perfectionnés. Le nombre de clients a augmenté en fonction de l’immense vogue que connaît l’image de synthèse. L’industrie a amélioré rentabilité et efficacité. Créateurs et techniciens ont trouvé le moyen de collaborer, voire de sympathiser ; le résultat étant que nous voyons sur nos écrans des images plus perfectionnées, plus impressionnantes, plus inédites, et surtout, en plus grande quantité…

Mais où veut-on en venir ? Quelles sont les nouvelles tendances et d’où proviennent-elles ? Il est difficile de croire qu’il y a quatre ans déjà que la télévision britannique acclamait la naissance de Channel 4. Le design de cette quatrième chaîne a été confiée à Robinson, Lambie-Nairn, un groupe de créateurs londoniens bien établi. Il est même plus étonnant de constater que l’Angleterre ne disposait pas des moyens de production d’images de synthèse par ordinateur pour l’animation du logo. La commande fut finalement confiée à Bo Gehring Associates de Los Angeles, les U.S.A. prouvant une fois de plus leur indéniable avance dans le domaine technologique.

Lambie-Naird s’est fait une réputation de tout premier plan parmi les créateurs indépendants de Grande Bretagne. Il a surtout contribué à faire connaître les ressources qu’offrent à la création les nouvelles technologies. Il a réalisé plus d’un projet important, mais son travail pour la quatrième chaîne anglaise fait date dans le domaine de la conception artistique, ainsi que dans l’emploi de l’image de synthèse.

En même temps, cette animation engendra ce que le créateur lui-même appelle le « flying symbol syndrome » (le syndrome de l’objet volant). Ce procédé fut immédiatement réclamé par toutes les grandes entreprises commerciales et financières pour leurs spots publicitaires. Il s’ensuivit une véritable épidémie de logos volants, de « briques » typographiques brillantes et clignotantes, zigzagant au travers d’un espace tridimensionnel infini. L’usage gratuit de cette technologie a heureusement beaucoup diminué. Cet engouement, tout en se calmant, n’a pas pour autant lâché prise auprès de l’industrie et des créateurs, qui continuent à poursuivre des formes stériles de « modélisation » en animation tridimensionnelle , alors que l’animation traditionnelle de personnages avait peu d’attrait pour les technologues. Les images de synthèse devinrent comme l’homme en fer blanc du « Wizard of Oz » (le magicien d’Oz), scintillantes à l’extérieur, sans vie à l’intérieur.

Le dessin animé traditionnel au caractère à la fois humoristique et émouvant reposait principalement sur le talent du dessinateur, ainsi que sur les dons particuliers de l’animateur. Alors que les spécialistes de l’informatique s’efforcent sans relâche de créer des images de plus en plus « réalistes », de nombreux créateurs cherchent maintenant à y rajouter la gamme des sentiments humains. La technique classique du dessin animé appartenait toujours au domaine de l’animateur, mais tant que l’équivalent électronique du procédé de tournage et montage image par image n’avait pas fait surface , il était évident que l’artiste ainsi que l’animateur éviteraient le milieu hostile de l’électronique. Le développement de la mémoire électronique à finalement créé « le trait d’union ».

La société d’électronique Quantel, basée en Grande Bretagne et déjà un chef de file de cette industrie avec sa palette numérique « Paintbox », a récemment ajouté à son impressionnante liste de produits un système de post-production nommé « Harry ». Quatre prestataires de service londoniens ont déjà investi dans cette coûteuse machine qui, connectée à la palette numérique, offre aux illustrateurs, dessinateurs et animateurs des possibilités sans précédent pour effectuer des conjugaisons entre l’image de synthèse, le graphisme électronique et les prises de vue réelle. Il en émerge des résultats capables de mettre en cause radicalement le système de perspective optique hérité du film traditionnel.

En ce moment-même une adaptation de « La Petite Princesse », une production de « London Week-end Television », utilise la combinaison Paintbox/Harry pour mélanger des images tournées en direct sur vidéo aux belles aquarelles du peintre John Tribe, créant ainsi des scènes d’une beauté magique. Egalement au moment des fêtes de Noël, la BBC a enchanté son public avec l’adaptation des « Pyrates » de George MacDonald Fraser en mélangeant le tournage en direct avec des dessins électroniques, des effets de chromakey, de post-production ainsi que de l’animation. Ce spectacle est réalisé par Andrew Gosling avec la conception artistique très enlevée de Graham McCallum, qui a également porté à l’écran le personnage « Jane » de la bande dessinée des années 40, dans l’émission récente « Jane dans le désert ».

Le feuilleton « Jane » et le spectacle « The Pyrates » reposent l’un et l’autre sur des travaux de post-production rendus possibles grâce à un couplage récemment mis au point entre une caméra de banc-titre vidéo et une mémoire d’images pour l’animation dont le Département des Arts Graphiques de la BBC a l’exclusivité. Cette mémoire d’images constitue le « cœur » du système. Des images de n’importe quelle source y sont introduites soit en séquence, soit une par une, et peuvent être également appelées dans un ordre quelconque. Les images peuvent être mises en mémoire, modifiées, mélangées et montées sous contrôle précis du logiciel. Des formes d’animation très complexes peuvent ainsi être facilement manipulées, avec l’avantage supplémentaire que les créateurs peuvent examiner et contrôler leur travail image par image, au fur et à mesure de son évolution. Il est concevable que des palettes mises en réseau à des mémoires d’images pour l’animation, et à des systèmes vidéographiques de montage séquentiel pourraient conduire à des procédés qui permettraient une réalisation de programmes plus originaux et inédits. Cependant, le coût en est élevé, et les principaux clients de cette nouvelle forme d’expression artistique sont encore les créateurs de publicité télévisée, ceux –là même qui ont un appétit féroce pour les nouvelles techniques de production d’images.

Les compagnies de télévision britannique s’orientent de plus en plus vers des systèmes dédiés à l’information, aux actualités et aux nouvelles sportives. L’accent se porte vers des émissions en direct, où les échéances sont courtes, et où la nécessité de systèmes en temps réel est évidente. Les configurations de générateurs de caractères, de palettes, de mélangeurs d’effets numériques, de mémoires d’images, de caméras-sources, de système de traitement d’images et d’imprimantes de recopie d’écran deviennent de plus en plus courantes. Cependant les pressions exercées par l’émission en direct ont malheureusement conduit vers une standardisation de la technologie et de son emploi par les réalisateurs. En dépit des investissements considérables en matériel, ce domaine de programmation manque souvent de l’éclat « show-biz » et fréquemment rebute les réalisateurs de grand talent. En fin de compte c’est l’imagination et la recherche de l’idée originale qui font que les ordinateurs produisent des images qui nous stimulent.

La Grande Bretagne ne manque pas de réalisateurs talentueux, ainsi que le prouvent leurs œuvres. Cependant, à chaque fois que l’œuvre d’un artiste ou d’un réalisateur est reconnu par sa qualité, il serait bon de se souvenir que les lauriers doivent être décernés pour l’excellence de la conception artistique et non pas pour la nouvelle technologie employée pour la réaliser.

John Aston FSIAD Deputy Head of Graphic Design BBC Television